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26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 19:52

 

 Ce vendredi matin, je ne travaille pas. Alors avec mon amie Florence, nous nous rendons au marché couvert avec notre grand panier sous le bras. Pas trop de problème pour se garer pour une fois. Rieuses nous pénétrons sous les halles par cette belle matinée printanière et ensoleillée. D’un pas martial, nous rejoignons le banc de m'ame Maurin, ma vendeuse préférée de fruits et légumes. Cela fait des années que j’y traîne mes basques. Producteur, vendeur, cette dame a nourri ma petite famille en produits locaux délicieux. Plusieurs personnes sont là, l’air tristounet. Avec Flo, nous commentons nos achats à venir, je vise les carottes nouvelles qui s’égaillent sur la planche. Nous étant trompées de sens de file, nous prenons place dans le rang. Alors je vaque dans les rayons, cherchant des tomates cœur de bœuf dont je suis friande, confiante dans mon tour. Bien mal m’en a pris. Je rejoins mon amie qui patiente tranquillement. Devant nous, une dame d’un certain âge, collier de perles au cou, l’air austère d’une femme qui a toujours commandé, achète le banc à petites touches impressionnistes. La file s’impatiente. Il y a toujours du monde chez m'ame Maurin, mais là ça bouchonne. La vendeuse reste stoïque, tentant de ne pas perdre le fil de ses calculs. Car pendant qu’elle dilapide son étal dans le panier de la dame, plusieurs personnes font irruption pour lui dire un mot, lui donner une boîte d’œufs vide, ou encore récupérer quelques emplettes faites au préalable. Nous bavassons des produits, des cerises, des fraises charlotte, nos préférées. Nous passons le temps agréablement. La dame bien sous tous rapports finit de remplir son cabas, mais ô désespoir elle n’a guère de monnaie. On discute, on tergiverse et la dame laisse ses poches sur les marchandises pour aller faire de la monnaie ailleurs. Elle part, on souffle. C’est alors que surgit de nulle part, par magie noire, une autre cliente, identique à la précédente mais en plus brune qui achète elle aussi à petits coups. Ça gronde derrière nous. je jette un œil vers chez le boucher, mais là aussi il y a du monde, j’irais plus tard. Enfin la sorcière finit par disparaître et m'ame Maurin s’adresse à mon amie. Celle-ci achète quelques trucs, paye. Mais m'ame Maurin m’a oublié et sert une autre emmerdeuse. Bien, je souris, surtout qu’il y a devant moi une petite dame toute malformée, une qui a pas eu de chance dans la vie, difforme, vilaine, même avec des sous ce n’a pas du être simple. Sainte femme, elle ne bronche pas. C’est alors que je vois une main vorace saisir le dernier bouquet de carottes. Stupéfaite je me retourne, une digne retraitée des postes ou autre, a jeté son dévolu sur ce qui m’intéresse au plus haut point, quoiqu’elle soit après moi. Je fais part de son incivilité à mon amie qui renchérit, m'ame Maurin dépassée par toutes  ces greluches soupire. Nous avons déjà discuté ensemble de cette façon de faire, et nous pensons de même.  La primeuse tente de calmer le jeu en me donnant la parole, mais comme l’injustice me hérisse le poil, je laisse mon tour à la bossue qui en veut peu. Je m’en doutais, elle doit habiter chez les sœurs ou un truc comme ça. Je me lance donc dans mes emplettes, plus de fraises, plus de carottes, je me compose un panier bancal que je complèterai chez d’autres, avec le sourire ce que remarque ma vendeuse. Et voilà que ma suivante renchérit au sujet des carottes vers une autre mégère. Elle est déjà venue, il y avait trop de monde, et là revoilà qui pérore que sur le marché on peut faire ce qu’on veut, tout est permis. Me vient une envie terrible de lui balancer une grosse baffe, de lui faire avaler ses carottes par tous les trous disponibles, fanes comprises. Mais comme je suis civilisée je me retiens et boutade les malveillantes. M'ame Maurin sourit. Je la plains de tout cœur, supporter ces affreuses plusieurs matinées par semaine, et cela cinquante deux semaines par an doit vous faire haïr le genre féminin. Je tends ma monnaie, juste l’appoint. Mais voilà notre première pète-sec revenir avec de la monnaie. Fi de ma main tendue, elle avance ses sous, recompte trois fois au cas où. La vendeuse blêmit sous son air bonace. Je laisse faire, mais là encore c’est les billets que j’ai envie de faire avaler à la grognasse. On se calme et on finit par changer de banc. Viandes achetées, fruits un peu plus loin, je me console de ces outrages avec un bouquet d’œillets de poètes que j’adore. Flo revient au banc sacrilège, elle a oublié le basilic et a décidé que les cerises charentaises avaient meilleures allures que les Burlat. Nous revenons et m'ame Maurin nous sort en souriant un plein cageot de carottes cachées par là, qu’elle vient de retrouver. On rigole. Le marché est fini. La semaine prochaine je reviendrai samedi, le jour où les gens qui travaillent sont là et sont beaucoup plus corrects. Je n’ai plus envie de ces rombières impolies et les envies qu’elles me causent. Ce que j’espère, c’est que je ne serai pas, dans les années à venir, une vieille conne comme celles que j’ai croisées ce jour-là. Si dieu ne les reconnaît pas, elles, elles se reconnaîtront.

 

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